Les crieurs publics de Myrajh sont d'intéressants individus. Dotés de cordes vocales puissantes, ils vont de place en place crier les nouvelles à qui veut les entendre. Parfois on essaie de les assommer en leur lançant des objets divers, parfois on les paie une nouvelle fois pour qu'ils répètent encore les nouvelles les plus surprenantes.

Et une nouvelle surprenante, il y en a une en ce moment. Elle est sur toutes les lèvres, dans toutes les conversations. On en parle à voix basse, quand on mentionne les diableries, et à voix hautes pour les hommes avinés qui n'ont que faire des qu'en dira-t-on. Et les crieurs se font un joli pécule sur cette nouvelle alléchante que voici:

Citation :

"Oyez oyez messieurs dames, pirates, corsaires, soldats et putains !
Un bateau a forcé l'entrée du port de Myrajh hier pendant la tempête, détruisant des pontons, pulvérisant des barrières, pour finir sa course SUR le quai, messieurs dames !
On raconte que le diable même est venu sur notre petite île avec son cortège de brume, ses voiles déchirées et son équipage décimé ! Un carnet de bord est actuellement en possession du commodore, recélant les secrets de cette traversée lugubre ! Pas un survivant ! Juste des caisses pour un riche nouveau venu dont le nom est tenu secret ! C'est tout pour les infos... A moins que quelques pièces d'or ne tintent à mes oreilles!"

Et la rumeur enfle, portée par ces crieurs fantaisistes qui finissent par déformer la réalité déjà extravagante au prix de quelques verres de rhum...

Suite à mon arrivée fracassante, je fus disséqué. J'aimerais dire "proprement disséqué", mais hélas il n'en fut rien. La population de Myrajh étant constituée de rustre et de corsaires tout aussi distingués que ses pirates, on me fouilla sans le moindre respect de mes années passées en mer. Mes années de bons et loyaux services en tant que navire particulier d'un riche armateur, puis de marchand quand ce dernier fit faillite.

Quand je pense que d'illustres pieds ont foulé mon parquet...
Mais mon histoire viendra bien assez tôt.

Après leur fouille presque minutieuse avec leurs gros pieds boueux de la tempête que mon dernier maître amena avec lui, on me relégua sans ménagement à la plage. Roulé sur des poutres - dont certaines tirées de mes propres mâts! - on me déplaça lentement, sans aucune précaution, jusqu'à une plage ou je repose à présent, mes entrailles ouvertes aux mouettes et autres coquillages... Qui sont pourtant de plus doux compagnons que ceux qui m'ont manœuvré puis détruit pour mon dernier voyage.
La mer vient même m'y lécher les poutres.

Mon dernier maître vient parfois me rendre visite... Et j'espère qu'alors, me voyant misérable et démâté, il regrette son entrée fracassante...

... Comme quoi même les bateaux peuvent être des corniauds.

Spoiler: